La petite histoire du dévoilement
Le petit ou le grand bout de peau qu’on accepte de dévoiler est intimement lié à la censure et à la définition sociale de la pudeur, deux notions qui vont évoluer drastiquement à travers l’histoire.
Avant la fin du 19ème siècle, la peau est rarement dénudée. Les femmes croupissent sous les drapés, les volants et les dentelles, douloureusement comprimées dans des corsets. Par souci d’hygiène, on leur conseille de conserver un sous-vêtement jusque dans la baignoire.
Vers 1890, les hommes ne montrent pas leur torse à la plage : le maillot de bain est constitué d’une veste sans manche et d’un pantalon en laine. Les femmes, elles, doivent porter un lourd costume opaque, avec jupon et collants, qui masquent le corps du cou aux chevilles. Le maillot se raccourcit progressivement et vers 1900, les zones interdites du regard sont limitées à la gorge, les cuisses et les épaules. Ça devait faire un beau bronzage!
À la même époque, les effeuilleuses des cafés-concerts parisiens misent sur le dévoilement, tout en multipliant les jupons. L’érotisme s’impose alors dans le déshabillage progressif, dans le surgissement d’une jambe ou d’une épaule. C’est l’invention du strip-tease!
Plus près de nous, les danseuses font la belle époque des cabarets montréalais, dans les années 40. La loi canadienne interdit alors aux artistes de quitter la scène avec moins de vêtements qu’à leur arrivée. Lili St-Cyr, qui attire les foules au Théâtre Gayety sur la rue Sainte-Catherine, contourne cette loi en imaginant un numéro de « rhabillage » progressif, qu’elle commence entièrement nue dans une baignoire.
Révolution sexuelle aidant, le vêtement féminin se raccourcit radicalement dans la deuxième moitié du 20ème siècle. L’apparition du bikini en 1946 et de la minijupe au début des années 60 ne laisse plus beaucoup de place à l’imagination. Le corps idéal est mince, en santé et épilé.
La première édition de Playboy, publiée en décembre 1953, affiche une Marilyn Monroe rieuse, vêtue d’un affriolant déshabillé noir. Dans cette publication qui changera les mœurs de l’Amérique, la nudité totale est d’abord réservée aux pages centrales, puis se propage rapidement dans toute la revue. Ce type d’érotisme devient monnaie courante dans la sphère publique.
Aujourd’hui, la nudité est tellement accessible et normalisée que des grandes institutions doivent repenser leur conception du dévoilement. À l’ère de la porno gratuite sur internet, comment se démarquer? En 2015, à l’instar de Lili St-Cyr dans les années 40, Playboy envoie ses mannequins se rhabiller et abandonne pour un temps la nudité complète dans ses pages. Comme quoi plus ça change…
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